Les femmes ont eu leur mot à dire dans la formation de notre langue. Sans aller jusqu’à faire la liste des « écrivaines », citons la première d’entre elles qui réussit à vivre de sa plume : Christine de Pisan. Laissée sans ressources après la mort de son mari, en 1390, elle parvint à se faire un nom à la Cour et, à une époque où le droit d’auteur n’était pas encore inventé, à diffuser suffisamment son œuvre pour en recevoir reconnaissance et commandes.
Voici comment cette femme de caractère évoquait son deuil, avec une belle modernité dans la description de la solitude face à l’amour perdu :
« Seulete suy et seulete vueil estre,
Seulete m’a mon doulz ami laissiée,
Seulete suy, sanz compaignon ne maistre,
Seulete suy, dolente et courrouciée,
Seulete suy en languour mesaisiée,
Seulete suy plus que nulle esgarée,
Seulete suy sanz ami démourée.
Seulete suy a huis ou a fenestre,
Seulete suy en un anglet muciée,
Seulete suy, pour moy de plours repaistre,
Seulete suy, dolente ou apaisiée,
Seulete suy, riens n’est qui tant me siée,
Seulete suy en ma chambre enserrée,
Seulete suy sanz ami démourée.
Seulete suy partout et en tout estre,
Seulete suy, ou je voise ou je siée,
Seulete suy plus qu’autre riens terrestre,
Seulete suy de chascun délaissiée,
Seulete suy durement abaissiée,
Seulete suy souvent toute esplourée,
Seulete suy sanz ami démourée.
Princes, or est ma doulour commenciée :
Seulete suy de tout’dueil menaciée,
Seulete suy plus tainte que morée,
Seulete suy sans ami demourée ».
(Balade XI, 1399)
Source : Isabelle Grégor… www.herodote.net